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  • Juliette Pernel

Répondre à l'injonction de résilience, en développant notre intelligence émotionnelle

Nos capacités d’adaptation sont mises à l’épreuve. Nos habitudes sont bouleversées, nos liens sociaux, familiaux, professionnels sont distendus, nos conditions de travail évoluent à marche forcée. Tout le monde s’accorde à le dire : cette deuxième vague est plus violente que la première. Si la sidération était acceptable au premier confinement, nous sommes désormais sommés de trouver les ressources pour surmonter les événements, nous adapter à l’incertitude et anticiper l’après. La résilience n’est plus une option, c’est une injonction.


Or nous sommes éprouvés par le contexte sanitaire, économique et social. Eprouvés d’un point de vue mental, émotionnel, physique.


Hélas, parler de nos émotions ou de nos maux ne fait pas partie de notre culture, encore moins dans le monde du travail. Notre culture occidentale a toujours eu tendance à opposer raison et émotion, rationnel et irrationnel, logique et intuitif. Le siècle des Lumières, la révolution industrielle, les nouvelles technologies, l’Intelligence Artificielle célèbrent l’intelligence cognitive, la capacité à rationaliser, anticiper l’avenir, planifier voire prédire.


Conséquence : nous sommes nombreux à vivre dans notre tête, déconnectés de nos émotions, nombreux même, à les refouler. En particulier dans le monde du travail.


Pourtant nous ne sommes pas des robots et le contexte actuel nous le rappelle de façon cinglante. Nos émotions le plus primaires se rappellent à nous : la surprise de la première vague, la peur de la maladie ou de la mort, la colère face à la restriction de nos libertés, la tristesse de perdre nos liens sociaux, la joie du déconfinement, le dégoût de devoir rebaisser le rideau à la deuxième vague [1]

Le caractère à la fois inédit, incertain et menaçant de cette situation réactive les fonctions les plus primitives de notre cerveau : celles qui consistent à assurer notre survie. Or lorsque nous sommes en « mode survie » que se passe t-il ? Nous agissons sous le coup de nos émotions. Face à l’inconnu, l’incertitude ou le danger, nos émotions ont la fâcheuse tendance à prendre le contrôle, en évitant bien de transiter par la case rationalité de notre cerveau. Elles ont le pouvoir de déformer notre perception de la réalité et nos pensées ; d’agir sur notre corps en provoquant des réactions physiologiques ou psychosomatiques ; de générer des comportements qui nous dépassent : le déni, la fuite, la lutte, la paranoïa… Et bien sûr, une réaction bien connue dans le monde du travail : le stress.


D’après une étude récente [2], près d’un salarié sur deux souffrirait de détresse psychologique au travail, un tiers serait dans un état d’épuisement émotionnel. Confrontés à de nombreux défis, généralement peu ou pas préparés, ce sont les managers qui sont les plus touchés par ces symptômes. La fonction publique n’échappe pas à cette tendance : les chiffres publiés en septembre 2020 par Intériale[3] révèlent que plus d’un manager public sur deux souffre de stress au travail. 71 % des managers déclarent que la crise sanitaire a engendré des changements dans leur management.


Le changement permanent et l’absence de perspective qui caractérisent la période actuelle sont des facteurs aggravant de stress. Nous sommes sur le qui-vive, en état alerte ou d’hyper vigilance permanent, dans l’impossibilité de relâcher la pression.


Et pourtant, n’est-ce pas ce dont auraient besoin les managers dans cette période, relâcher la pression et faire redescendre le niveau de vigilance, écouter leurs émotions et apprendre à les gérer afin d’en faire des alliées, retrouver un équilibre interne afin de développer leurs capacités d’appréciation, de pilotage et d’adaptation ?


Développer ses compétences émotionnelles, c’est précisément cela : c’est apprendre à se connaitre, comprendre la manière dont on fonctionne et dont on réagit aux différentes situations ; c’est à apprendre à se canaliser, à utiliser le meilleur de soi-même, pour s’adapter à différentes situations ; c’est apprendre à comprendre les autres et tirer le meilleur de ses interactions sociales ; c’est prendre conscience de son potentiel et de celui des autres, afin de trouver plus facilement des solutions aux différentes situations ; c’est plus largement, apprendre à aborder les situations sous un angle plus large et plus positif, en étant plus serein et résistant.


La résilience ne peut pas être une injonction car elle ne se décrète pas. Elle s’observe, s’apprend, se travaille, s’expérimente et se cultive, notamment grâce à l’apprentissage de l’intelligence émotionnelle. Cela prend du temps, puisque c’est un apprentissage. Mais c’est une formidable occasion de trouver un équilibre avec soi-même et avec les autres dans un monde si imprévisible, de développer son optimisme et sa confiance dans l’avenir, dans un quotidien parfois si éprouvant. Et c’est à la portée de tout un chacun.


Juliette Pernel


[1] Les six émotions primaires d’après les travaux du psychologue américain Paul Eckmann [2] 4ème baromètre de la santé psychologique des salariés français en période de crise, réalisé par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine, publié en novembre 2020. [3] Baromètre Santé et Prévention 2O2O, les managers dans la Fonction Publique, en partenariat avec CSA



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